
Par R. Qureshi, le 2 décembre 2025
Comment oublier les images des médecins palestiniens en conférence de presse à Gaza, en octobre 2023, entourés des cadavres de Palestiniens tués par Israël ?
Dans une nouvelle interview accordée à Declassified UK, Le Dr Ghassan Abu Sitta raconte comment un groupe de juristes pro-israéliens s'emploie l'intimider, compromettre sa carrière et le réduire au silence après son témoignage sur les attaques israéliennes à Gaza.. Voici ses propres mots.
"Au début du mois d'octobre, alors que j'étais à Gaza, ma famille m'a informé avoir reçu la visite de la police antiterroriste. Mes avocats de la Commission internationale de juristes (ICJP) ont découvert que cette visite avait été commanditée par le ministère des Affaires étrangères."Je connaissais déjà UK Lawyers for Israel pour avoir travaillé avec des organisations caritatives britanniques en Palestine. UK Lawyers for Israel déposait constamment des plaintes contre les responsables de ces organisations, contestant les activités de grandes organisations humanitaires. Ils ont tenté de faire obstacle au travail des organisations caritatives enregistrées au Royaume-Uni, pour leurs activités en faveur des Palestiniens. Ils ont même dénoncé le financement d'une unité de lutte contre le cancer du sein en Cisjordanie.
"La rencontre suivante a eu lieu le lendemain du massacre de l'hôpital Al-Ahli, lorsque l'armée israélienne a tiré un missile sur l'établissement, tuant 483 personnes. Le lendemain matin, le Daily Telegraph et le Jewish Chronicle ont contacté ma clinique à Londres et lancé une campagne de harcèlement d'ailleurs toujours en cours. Au Royaume-Uni, ils se concentrent principalement sur les hôpitaux et le personnel du National Health Service (NHS).
"Plus de soixante médecins ont fait l'objet de plaintes déposées par UK Lawyers for Israel auprès du General Medical Council, et beaucoup d'autres ont subi des pressions au sein même de leurs structures hospitalières. L'un de mes collègues médecin a souligné le véritable enjeu pour eux et le gouvernement britannique, car les patients et l'opinion publique font davantage confiance aux médecins qu'aux politiciens, et assurément plus qu'à des avocats comme ceux de UK Lawyers for Israel. Réduire les médecins au silence fait partie de leur priorité stratégique.
"L'objectif est de répandre une culture de la peur de type maccarthyste. Soit vous gagnez, et vous perdez financièrement, soit vous perdez, et là aussi, les conséquences financières sont énormes. Cette stratégie consiste à faire taire toute critique d'Israël et à attaquer quiconque exprime une quelconque solidarité avec les Palestiniens.
"Certaines organisations humanitaires ne travaillaient déjà plus en Palestine en raison de ce harcèlement, bien avant 2023.
"Après mon retour de Gaza, les étudiants de l'université de Glasgow m'ont désigné comme candidat à la présidence. UK Lawyers for Israel a alors déposé quatre requêtes auprès du greffier du Sénat, diffusant un dossier qui a depuis été transmis aux tribunaux du Royaume-Uni et d'Europe. Ce dossier m'accuse d'antisémitisme et de soutien au terrorisme. Chaque fois que nous avons répondu à une série d'accusations, ils en formulaient une autre. Leur intention a toujours été de nous pousser à bout, tant psychologiquement que financièrement.
"Le lendemain de la cérémonie d'investiture, je me suis rendu à Berlin. J'ai été arrêté à l'aéroport, refoulé et expulsé. Quelques jours plus tard, le gouvernement allemand m'a interdit d'entrée sur le territoire de l'espace Schengen, interdiction que j'ai découverte lorsque j'ai tenté de me rendre à Paris pour me rendre au Sénat français."Lorsque nous avons contesté cette interdiction, nous avons découvert que le dossier des autorités allemandes reprenait mot pour mot les allégations d'UK Lawyers for Israel. Un tribunal berlinois a jugé cette interdiction illégale. Le gouvernement allemand a fait appel, mais a perdu.
"Au même moment, UK Lawyers for Israel, et plus particulièrement Caroline Turner, a déposé une plainte auprès du General Medical Council (Conseil général médical), affirmant que je représente un danger immédiat pour les patients en raison de ce soit-disant antisémitisme et de mon supposé soutien au terrorisme, et a tenté de me faire suspendre sans préavis. Elle a admis ne m'avoir jamais rencontré ni avoir été soignée par moi, mais a déclaré craindre que, si elle devait un jour avoir besoin de mes compétences, je fasse preuve de discrimination à son égard. J'ai dû comparaître devant un tribunal pour éviter une suspension immédiate.
"Après le rejet de sa plainte, UK Lawyers for Israel a déposé une deuxième plainte auprès du GMC, reprenant essentiellement les mêmes arguments, et a également saisi la Charity Commission dans le but d'obtenir une interdiction à vie d'exercer toute fonction au sein d'une organisation caritative britannique.
"Sur toutes les affaires rejetées par les tribunaux ou les cours d'appel, seule celle du tribunal du GMC reste en suspens et débutera le 6 janvier.
"Tous ces procès ont coûté près de cent mille livres sterling, voire un peu plus, financés par des dons. Ils sélectionnent des tribunaux où la partie perdante n'a pas à payer les frais de justice, car leur objectif n'est pas tant de gagner que d'infliger aux plaignants une pression financière et psychologique.
"Mais s'ils s'acharnent sur moi, c'est avant tout parce que j'ai travaillé à Gaza et je suis un médecin palestinien. En me ciblant, ils s'en prennent en réalité aux 1 700 médecins et infirmiers palestiniens qu'Israël a assassinés. Ils veulent faire croire que ces Palestiniens, des professionnels de santé, n'étaient pas ce qu'ils prétendaient être, et que leur assassinat était donc justifié. Ils tentent de porter atteinte au système médical palestinien dans son ensemble.
"Les services de presse de l'ambassade d'Israël ont publié une déclaration m'accusant de fraude, car j'ai témoigné en tant qu'expert pour évaluer des photographies de Palestiniens dont les organes auraient été illégalement prélevés par Israël. En moins de douze heures, le Telegraph et le Times ont publié des articles identiques. La coordination ne fait aucun doute."Le coût personnel est énorme. Outre la pression financière constante, je suis toujours sous le coup de l'interdiction de voyager, et suis donc systématiquement soumis à des contrôles de plusieurs heures à chaque fois que je me déplace. C'est une épreuve permanente. Et le Conseil général médical a jugé recevable une plainte déposée par une organisation qui affirme ouvertement vouloir poursuivre toute personne critique envers Israël. Mais le plus choquant reste l'instrumentalisation des instances sanitaires britanniques dans cette chasse aux sorcières purement politique".
Traduit par Spirit of Free Speech